1882, Paris, 19 février, dimanche matin, 8 h.
Cher bien-aimé, comment as-tu passé la nuit ? J’espère qu’elle aura été au moins aussi bonne que la mienne et que je n’aurai pas le regret d’avoir accaparéa à moi seule ton sommeil et le mien, ce serait trop bête. En attendant je t’ai laissé profondément endormi, ce qui sera, dans tous les cas, un appoint à ta nuit, quelle qu’elleb ait été. Il fait un temps exquis ce matin et qui mériterait ton regard si tu n’avais rien de mieux à faire en ce moment qu’à bayer aux petits oiseaux et à mon gros chat qui les regarde d’un œil de convoitise. Quant à moi je m’y complaisc paresseusement comme si j’étais de leur âge et de leur jeu, en oubliant mes devoirs de mouche de ton coche qui fait semblant, le lâche, de ne pouvoir marcher sans mon bourdonnement. À propos de mouche du coche, c’est aujourd’hui le jour du bon Lesclide qui, lui, au moins, s’y emploie utilement. Tellement que je voulais te demander s’il ne serait pas urgent de l’avoir avec nous dimanche prochain, jour de ton anniversaire [1]. Il y aura sûrement beaucoup de monde ce jour là et même grande foule. Je crois qu’il serait prudent de nous garder ce brave homme de renfort et de cœur pour nous aider dans cette besogne fatiganted ; qu’en dis-tu ? Réponse S.V.P. En attendant je te souris, je t’aime, je te bénis et je t’adore à cœur que veux-tu.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 5
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « acaparé ».
b) « quelqu’elle ».
c) « complets » .
c) « fatiguante ».