Guernesey, 4 mars [18]63, mercredi soir, 7 h. ½
Eh bien, mon cher petit homme, as-tu pu venir à bout de réparer la déchirure de ta lettre et es-tu parvenu à la mettre à la poste avant le dîner ? Je me permets d’en douter à cause de ton jeune convive qui devait être chez toi depuis déjà longtemps. Mais l’important c’est que tu ne sois pas impatienté ni fatigué pour une chose que tu pouvais remettre à demain à la rigueur. Quant à moi je t’ai laissé me quitter avec regret avant d’être à la limite extrême de notre retour de promenade, et j’ai vraiment essayé de te suivre des yeux ; les passants, d’une part, et la nuit de l’autre font que je t’ai tout de suite perdu de vue. Aussi je suis rentrée assez tristement chez moi. D’autant plus tristement que je te verrai tard probablement et que, dans tous les cas, nous ne serons pas seuls. J’espère un fort rabibochage pour demain. En attendant je fais de nécessité vertu et je t’aime avec un redoublement de rage pour me venger.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 59
Transcription de Chantal Brière