Guernesey, 10 janv[ier] 1863, samedi, 1 h. ¾ après midi
Quel dommage que tu sois si enrhumé, mon pauvre bien-aimé, pour toi d’abord qui souffre, et pour notre petit festival de ce soir qui se ressentira, quoi que tu fassesa, de ton affreux enchifrènementb. Mais ce dont je te supplie avant tout, mon doux et généreux homme, c’est de ne pas te contraindre et d’être carrément enrhumé à la face de Dieu et de la fève, (lisez haricotc), qui étaleront leurs magnificences ce soir. Atchi, atchi, at, at, at…chiiiii ! doit passer avant le roi boit, le roi boit, le roi boit [1] ! Quant à moi, plus tu te mettras à l’aise et moins je me tourmenterai de ton bobo. En attendant, mon cordon bleu fait assez triste mine devant son maigre festin mais qu’y faire puisque le marché est encore plus dégarni que ma bourse ? Quant à moi je m’en bats l’œil, comme dit saint Augustin, et pourvu que tu ne sois pas trop souffrant je me sens en veine d’amour, c’est-à-dire de bonheur. Telle est ma force et ma philosophie [2] car je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16378, f. 7
Transcription de Chantal Brière
a) « tu fasse ».
b) « enchiffrènement ».
c) « harricot ».