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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 novembre [1844], jeudi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour mon cher petit homme adoré, bonjour vous, bonjour toi, comment que ça va aujourd’hui ? Moi je vais très bien, à l’insomnie près, je n’ai presque pas dormi de la nuit, cela tient peut-être à la promenade d’hier. Il y avait trop longtemps que cela ne m’était arrivé et cela m’a fouetté le sang ce qui est cause que je n’ai pas pu dormir. Voilà deux fois en quatre jours que cela m’arrive ; dimanche j’ai attribué mon agitation au café que j’avais pris. Cependant je sais que tous les hivers je suis sujette à ce genre d’ennuis.
Je crains que tu n’aies été mouillé car Suzanne et Eulalie m’assurent qu’il a plu toute la nuit. Cher adoré, ce n’est pas le moment de te passer de parapluie. Est-ce que je ne pourrais pas me priver de quelque chose moi ? Cherchons ensemble. Et à toute extrémité il vaut mieux que ce soit Claire qui sort quatre fois par mois qui s’en passe que toi, mon pauvre adoré, qui sorsa tous les jours. Ça ne serait pas raisonnable. J’ai envoyé chercher tes gants. Je crois qu’ils t’iront bien. Je viens d’écrire à Dabat et je lui ai recommandé de te faire des bottes à ton pied. Ensuite je lui ai rappelé par ordre de datesb et avec toutes les explications nécessaires tout ce que je lui avais précédemment commandé pour toi. Sans oublier les fameuses CLAQUES [1] des souliers à liège. Je lui ai dit en outre d’apporter le plus vite possible les bottes fines, non vernies et les bottes à liège. Je crois que voilà à peu près tout ce que j’avais à lui dire ?
C’est aujourd’hui que cette pauvre Joséphine va chez M. Orfila [2]. Dieu veuille qu’elle en rapporte une bonne nouvelle. Ton admirable lettre vaut mieux que cela.
Cher bijouc bien-aimé, je t’aime, je t’adore, je te désire et je t’attends. Je t’ai obéi cette nuit : je n’ai pas lu. Peut-être que si j’avais lu un peu je me serais endormie tout de suite. Mais je ne le regrette pas parce que cela m’a laissé le temps de penser à vous et qu’en définitived, le sommeil, c’est du temps volé à l’amour. Baisez-moi mon cher amour. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 25-26
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « sort ».
b) « dattes ».
c) « bijous ».
d) « en définitif ».


7 novembre [1844], jeudi soir, 6 h.

Je t’attends, mon Toto, et je t’aime. C’est en t’aimant que je prends patience. Voime, voime, beaucoup de patience ça fait peur.
J’ai envoyé chez Dabat qui a promis de t’apporter tes bottes fines demain. Je lui parlerai et je lui ferai de nouvelles recommandations sur la mesure de ton petit pied et sur les souliers claqués [3].Eulalie vient d’aller voir ce qu’est devenue sa sœur que nous attendons depuis tantôt et qui n’est pas venue. Avec une santé comme la sienne on peut tout craindre et sa pauvre sœur est allée savoir chez elle si elle était rentrée.
Je n’ai pas eu le temps de te dire tantôt qu’une femme du peuple était venue demander à me parler de la part de cette ignoble Potel. J’ai fait dire par Suzanne que je ne recevais personne venant de cette part, ce qui a paru beaucoup déconcertera cette femme. Il faut que cette hideuse créature soit bien hardie pour oser hasarder qui que ce soit chez moi. J’espère qu’elle se le tiendra pour dit à l’avenir et que je n’en entendrai plus parler.
Cher bijou, je vous ai acheté moi-même du raisin à mon ancien marchand ; de son côté Suzanne en a acheté à la halle, ce qui, avec ce qui restait encore, fait une fameuse provision. J’espère que tu le trouveras meilleur que l’autre. Il m’a paru très doux et très mûr. Chère âme, je voudrais te donner mon cœur à manger. Je t’aime, mon Victor, je t’aime, je t’aime. Tâche de venir tout de suite. Je serai bien heureuse et bien joyeuse pour le reste de la soirée tandis que si tu ne viens pas je ne pourrai pas m’empêcher d’être triste comme un pauvre chien perdu. Et puis je te baise encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 27-28
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « déconcertée ».

Notes

[1Claques : socques protégeant les souliers d’homme des intempéries.

[2Victor Hugo a écrit à M. Orfila une lettre de recommandation pour Joséphine.

[3Souliers recouverts de claques qui protégeaient les chaussures d’hommes contre les intempéries.

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