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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1834 > BnF, Mss, NAF 16322, f. 309-310

3 h. ½

Tu veux que je t’écrive en ton absence, et moi je résiste toujours à ton désir, parce que mes pensées loin de toi sont tristes et douloureuses et que je voudrais te les cacher le plus souvent et le plus longtemps possible.
Vois-tu, mon Victor – cette vie d’isolement, cette vie sédentaire me tue – J’use mon âme à te désirer. J’use ma vie dans une chambre de douze pieds carrés. Ce que je veux, ce n’est ni le monde, ni ses stupides plaisirs, mais la liberté, la liberté d’agir, la liberté d’occuper mon temps et mes forces aux soins de ma maison – Ce que je veux, c’est de ne plus souffrir – Car je souffre mille morts par minute – Je te demande la vie – la vie comme toi, comme tout le monde. Enfin – si tu ne peux pas me comprendre, si je te parais folle ou injuste, laisse-moi – Laisse-moi, ne t’occupe plus jamais de moi – Je ne sais plus ce que je t’écris, mes yeux s’enflamment, mon cœur se serre.
J’ai besoin d’air, j’étouffe. Mon Dieu, aie pitié de moi – Je n’ai rien fait pour souffrir autant. Je t’aime, je t’adore, mon Victor, aiea pitié de moi – Tue-moi d’un seul coup mais ne me laisse pas souffrir autant d’éternités qu’il y a de minutesb dans chacune de tes absences.
Je ne sais pas ce que je t’écris, j’ai le délire, j’ai la fièvre. Mon Dieu, aie pitié de moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16322, f. 309-310
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Massin]

a) « aies ».
b) « minute ».

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