Samedi, 6 h.
Tu m’avais bien promis qu’aussitôt ton travail achevé, tu me consacrerais tout ton temps – Tu m’avais en outre promis hier en me quittant, de venir aujourd’hui de bonne heure. De toutes ces promesses, aucune encore n’a été remplie – Et cependant, je n’ai jamais eu tant besoin de ta présence et de ton amour – comme en ce moment où toutes les inquiétudes semblent s’être données rendez-vous chez moi – J’ai été si tourmentée aujourd’hui – que je ne sais pas si j’aurais le courage d’accepter une seconde journée comme celle-ci – Je fuis cette maison. Elle [est] si remplie de malheur et de tristesse, qu’il me semble, en la quittant, éprouver quelque soulagement –
Mon Victor, qu’allons-nous devenir ? Que faut-il faire pour éloigner de nous le malheur qui nous menace – Y penses-tu ? Cherches-tu les moyens de l’empêcher ? M’aimes-tu ? Oh ! moi je t’aime – comme toujours – Je t’aime dans le bonheur – Je t’aime encore plus dans le malheur – Mon Dieu, mon Dieu, sauve-moi – Je suis perdue si tu ne viens pas à mon aide.
Juliette
Je n’ai pas d’autre maison où aller – Sans cela, je n’irais pas chez Mme K… [1] Je ne veux pas aller me promener seule au hasarda, cela t’inquiéterait – Et cependant, je ne puis rester, je souffre trop – Je t’attendrai chez Mme K… jusqu’à neuf heures.
[Adresse]
Pr toi – mon bien-aimé
BnF, Mss, NAF 16322, f. 267-268
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud]
a) « hazard ».