Dimanche, 20 juillet 1834, 1 h. ½ du matin [1]
Mon Victor bien-aimé, c’est aujourd’hui ta fête. J’aurais bien désiré pouvoir te la souhaiter dignement en te faisant une belle surprise – mais tu le sais, mon Victor, nous ne sommes riches que d’amour et de poésie. Cette richesse qui est la plus belle fortune des amoureux ne s’escompte chez aucun boutiquier quel qu’il soita – C’est pour cela, mon pauvre bien-aimé, que je ne te donne rien – car enfin, je ne puis pas te donner mon cœur qui est à toi depuis que je te connais, mon regard qui est à toi depuis que je t’ai vu, mon souffle qui est à toi depuis le jour où j’ai respiré sur ta bouche, mon âme qui est à toi depuis le jour où tu as daigné la prendre. Je ne te donne rien – puisque tout est [à] toi – Mais je t’aime, je t’aime tant que cet amour seul suffirait au bon Dieu le jour de sa fête.b
Je t’aime. Je t’envoie un million de baisers que je vous prie de ne pas mettre dans les lots malheureux. À bientôt, ici ou là-basb, de près ou de loin. Je t’aime.
Juliette
[Adresse]
20e
Au plus aimé des hommes
À mon Victor
BnF, Mss, NAF 16322, f. 175-176
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Blewer]
a) « quelqu’ils soient ».
b) « labas ».