2 juillet [1837], dimanche matin, 9 h. ½
Bonjour mon cher petit homme, bonjour mon adoré. Tu devrais bien venir me donner des nouvelles ce matin de la chère petite malade [1]. J’espère qu’elle continue d’aller mieux et que vous êtes tous hors d’inquiétudes à présent. J’avais si mal à la tête cette nuit quand tu m’as quittée que je n’ai pas pu lire du tout. Je suis encore un peu souffrante ce matin, mais je pense que cela se dissipera dans la journée. Jour mon petit o. Nous avons bien de la peine à reprendre notre équilibre dans notre bonheur. C’est à peine si je te vois quelques heures dans un mois, tandis que les autres années nous avions un petit ordinaire très agréable sinona suffisant. Je n’ose même pas vous rappeler cela, parce qu’à l’instant votre figure se renfrogne et vous me dites des sottises tant il est vrai que la vérité offense [2]. Jour mon gros to. Vous seriez bien bon de venir me voir une minute ce matin. Je suis encore un peu tourmentée au sujet de ma pauvre petite Dédé et puis j’ai besoin de te voir. Ne vous fâchez pas, ce n’est pas ma faute bien sûr si je sens comme cela. Je vous aime plus que vous ne voulez, voilà tout. Ça n’est pas un crime. Jour mon gros to. Aimez-moi un peu et tâchez de me le prouver quelquefois. En attendant ce moment très éloigné, je vous aime, je vous adore et je vous désire.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 5-6
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « si non ».
2 juillet [1837], dimanche soir, 10 h.
Je m’explique maintenant, mon cher bien-aimé, ta tristesse et ta préoccupation tantôt. Jamais regrets n’ont été plus mérités, car jamais homme ne t’a plus loyalement et plus sincèrement aimé que ce pauvre jeune homme [3]. Quanta à moi qu’il a soutenue et encouragée dans un temps où ceux qui se disaient tes amis m’attaquaient avec tant d’acharnement, je le regrette du fond de l’âme comme un de ces rares amis dévoués qu’on ne rencontre que rares fois dans sa vie. Serrons-nous bien l’un contre l’autre, mon pauvre bien-aimé. Le vent souffle fort et disperse les bons amis et les tendres amants. Nous sommes dans la trombe, tâchons d’y résister. Si tu me quittais seulement de la pensée, je serais bien vite couchée à terre pour ne plus me relever. Je le sens bien et je me cramponne à ton amour de toute la force de mon cœur. J’ai hâte de te serrer contre mon cœur. Il me semble qu’il y a un siècle que je ne t’ai vu tant la soirée d’aujourd’hui m’a parub longue. Et puis dans le cas où je serais obligée de partir à l’improviste, je veux m’approvisionner à l’avance d’amour et de bonheur afin d’emporter quelque chose dans un monde d’où l’on ne rapporte rien. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 7-8
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « quand ».
b) « parue ».