Guernesey, 16 septembre 1858, jeudi matin, 6 h. ½
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime et je ne veux plus que tu souffres ou je me fâche. Pauvre adoré, je ne sais que te dire pour ne pas te montrer ma tristesse et mon découragement en songeant à tes souffrances prolongées. Cependant, je sais que cela n’est pas dangereux mais c’est si long et tu as tant de patience et de résignation pendant cette épreuve douloureuse que j’en suis attendrie et navrée plus que si tu te plaignais bien fort. Le docteur m’a dit hier qu’il avait eu une fausse peur il y a deux jours en croyant voir poindre un autre clou ; heureusement il n’en n’est rien. Cependant, dès que ta plaie sera fermée, il te purgera pour prévenir le retour de ces vilains bobos. Jusque-là, il faut que tu continues à ne pas te fatiguer en t’étendant le plus possible dans la journée. Quant à moi, je tiens à ta disposition tous les coussins et tous les matelas que j’ai pour te reposer quand tu voudras me voir et à ce sujet, je te rappelle que je tiens au lit de ma fille [1] et que je te prie de me le rendre le plus tôt possible si tu ne veux pas qu’il ne me revienne disloqué et hors de service ainsi que les trois matelas et même qu’ils ne me reviennent jamais ni les uns ni les autres, ce qui est tout à fait traditionnel dans les habitudes de ta maison. En attendant je tâche d’avoir confiance et je t’aime de tout mon cœur et de toute mon âme.
Juliette
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 263
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette