Paris, 6 avril [18]79, dimanche matin, 6 h.
Dors, mon cher bien-aimé, c’est bien le moins que tu aies le sommeil puisque j’ai l’insomnie. J’espère que la nuit, si rude pour moi, t’aura été très douce. Cet espoir m’a fait prendre en patience toutes les cruautés de la mienne. J’attends qu’on soit levé autour de moi pour me faire préparer un bain et je te gribouille mon tendre bonjour pour être bien sûre que tu l’auras en temps et heure quand il fera jour chez toi. Pendant que j’y pense, mon cher bien-aimé, je te fais souvenir que c’est demain, lundi, de une heure à deux heures, que M. Rouillon, assisté du clerc de ton notaire, viendra te faire signer ton bail et celui de Mme Lockroy. De mon côté je vais chercher le reçu des objets que tu as achetés et payés à Mme de Nara [1] il y a un mois. Je crois que le moment est tout à fait venu d’achever l’arrangement de ta maison. Tu devrais prendre sur toi de t’en occuper au moins pendant la couple d’heures que tu consacrerais à te promener tous les jours pendant les vacances du Sénat. Cela donnerait beaucoup de charme et de dignité à l’intérieur de ta maison qui ressemble plus à un galetas qu’à un logis sérieux et rangé. Et puis cela ferait tant de plaisir à ton cher Paul Meurice ! Ce serait la seule manière charmante de le remercier de toute la peine qu’il s’est donnéeb et qu’il se donne encore et toujours pour toi et pour tes affaires. Et puis cela dit voici le mot de la fin : je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF, 16400, f. 93
Transcription de Chantal Brière
a) « Nard ».
b) « donné ».