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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 octobre [1844], lundi, midi ¼

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon cher amour adoré, bonjour, mon Victor chéri, comment que ça va ? Croirais-tu, mon cher adoré, que je n’ai pas encorea pu copier depuis ce matin que je vais et je viens dans ma maison ? Je ne sais pas comment cela se fait. Il est vrai que si je savais que tu attends après ta copie, je laisserais là tout le reste sans m’en inquiéter autrement. Mais je sais que tu n’en es pas pressé et je me réserve cette charmante occupation pour ma récréation tantôt.
J’ai reçu une lettre de Mme Luthereau, probablement pour les renseignements que tu lui as fait demander. Quand tu viendras tu l’ouvriras.
Eulalie taille tes chemises. J’ai mis en réquisition tous les morceaux de toile que j’avais. J’attends aujourd’hui ou demain ma vraie penaillon. Je voudrais réussir à te faire faire tout de suite quelques bonnes chemises.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Jour, onjour, onjour.
Je vous défends d’aller à l’Opéra ce soir. Il ne serait pas juste que je restasse chez moi à tourner mes pouces tandis que vous iriez contempler les jambes des danseuses. Convenez-en, mon amour, et venez bien vite. Je vous attends.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 223-224
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « pas encore pas ».


7 octobre [1844], lundi soir, 4 h. ¾

Voilà plus d’une heure que j’attends que mon pauvre œil se calme pour t’écrire. J’ai la joue droite toute rouge et mon œil tout enflammé. Je ne m’en inquiète pas puisque je sais que c’est un des effets merveilleux de la fameuse pommadea lyonnaise. J’espère aussi que cette cocotte [1] forcée me guérira à tout jamais de mon larmoiement. Je voudrais pourtant bien copier ce soir, pour toutes sortes de raisons, la première de toutes, parce que cela m’amuse énormément et puis parce que je craindrais en tardant que tu ne donnes ta pratique à un ou à une autre. Aussi, quand je devrais me crever les yeux, je copierai ce soir. Telle est ma VOLLONTÉ.
J’espère, mon cher adoré, que tu n’iras pas à l’Opéra ce soir ? Tu me ferais un véritable chagrin si tu y allais. Mais tu n’iras pas, c’est-ce pas mon amour ? Tu auras une espèce de souper ce soir. Je n’ai pas osé, dans l’incertitude, t’en faire préparer un meilleur, mais enfin, tu pourras manger.
Hélas ! nous étions si heureux lundi dernier ! Te souviens-tu, mon cher adoré, c’était à peu près l’heure ou tu te cachais si naïvement pour échapper aux coups de chapeaux des Meudonnaisb. Quelle joie, quel bonheur, que d’amour dans cette journée si courte et pourtant si remplie. Je ne l’oublierai jamais tant que je vivrai, pas plus que je n’ai oublié tous les jours et tous les moments délicieux que nous avons passés ensemble depuis plus de onze ans.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 225-226
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « pomade ».
b) « meudonnois ».

Notes

[1Nom familier de la blépharite.

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