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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 septembre [1844], vendredi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher amour bien aimé, bonjour, comment que ça va ce matin ? Moi je me dépêche en force pour pouvoir copier tout à l’heure votre fameuse lettre sur Worms [1]. Je me délecte déjà en pensant que je vais avoir le bonheur de copire votre gribouillis. Quel bonheur !!!!!!a
Cependant, j’ai l’impertinence d’avouer que, si vous veniez me chercher tout à l’heure pour aller au chemin de fer avec vous, j’aurais le toupet de préférer votre AUGUSTE présence à vos ÉLABORATIONS. Ia, ia, monsire, matame, il est son sarme [2]. Je vais tailler mes plumes pour TRAVAILLER. Vous voyez d’ici que je ne ris que d’une joue et qu’on ne sait pas laquelle. Hum ! quel beau temps ! J’en suis tout attristée car je pense que ma pauvre péronnelle [3] n’en pourra pas profiter. Quand je pense qu’elle peut comparer les vacances des autres enfants aux siennes, je comprends son amertume et cette espèce de découragement intérieur qu’elle dissimule tant bien que mal sous l’apparence de l’indifférence et de la raideur. Pauvre enfant, Dieu veuille que je n’aie pas à me reprocher plus tard de n’avoir pas rendu sa jeunesse assez heureuse [4]. Je t’aime mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 191-192
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) Les points courent jusqu’au bout de la ligne.


27 septembre [1844], vendredi après-midi, 3 h.

J’ai commencé de copier, mon cher petit bien-aimé, et j’espérais que tu viendrais m’embrasser une petite goutte tantôt. Je me suis trompée, comme toujours, et je me trompe probablement encore en prenant le désir que j’ai de te voir tout de suite pour la certitude que tu vas venir tout à l’heure. Enfin, je fais assez bonne contenance, la copie aidant, et il faudra que tu y mettes bien de l’indifférence et bien peu d’empressement pour me faire sortir de ma patience et de ma résignation aujourd’hui.
Pauvre ange du bon Dieu, pardonne-moi toutes mes doléances. Pense que je t’aime et que ton absence, quelque motivée qu’elle soit d’ailleurs, m’est insupportable.
Le temps se maintient beau…………a Nous verrons si ce fameux lundi qui a été si souvent un jeudi, un vendredi, un samedi, un mercredi et un mardi trouvera enfin sa place. Je ne veux pas lui porter malheur en désespérant d’avance mais il faut que je prenne ma crédulité à deux mains pour cela.
Jour Toto, jour mon cher petit Toto. Je me rabats sur notre roi [5], quoique ce soit une médiocre compensation. Mais, enfin, il vaut mieux très peu de chose que rien du tout. En attendant, je vous aime, je vous désire, je vous attends, je copie à mort et voilà ! Baisez-moi, Toto chéri, pensez à moi et aimez-moi, vous ne serez que juste envers votre pauvre Juju.

BnF, Mss, NAF 16356, f. 193-194
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) Les points courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Juliette copie les lettres du Rhin. L’une d’entre elles a pour titre « Worms-Mannheum ».

[2Imitation de l’accent allemand pour « oui, oui, monsieur, madame, il est son charme ».

[3Claire.

[4Juliette ne se doute pas que Claire mourra moins de deux ans plus tard.

[5Hugo est reçu chez le roi.

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