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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 avril 1849

30 avril [1849], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour mon grand barbouilleur, bonjour. Je devrais en rester sur ce compliment pour ne pas gêner votre modestie et puis encore par prudence car il me souvient du boulevard du Temple. Merci, je ne suis pas pressée à me retrouver à pareille fête. Oh ! non oh ! non ! oh ! non ! Je reste donc sur la bonne bouche et je vous dis que vous êtes un grand ARTISTE ! Voime, Voime, voime. Maintenant je vous apprendrai qu’Eugénie m’a proposé de venir chez elle vendredi jour de la fête de la république. Cela dans le but de ne pas me laisser tout à fait seule chez moi ce jour-là puisque je donnerai campo [1] à Suzanne. Cependant, si tu peux rester avec moi ce jour-là je le préfère à tous les deniers du monde et je me trouverai très heureuse. Ce ne serait que dans le cas où tu ne pourrais pas rester avec moi le soir que j’accepterais cette espèce de distraction. Tu me diras cela et je le lui ferai savoir avant vendredi pour qu’elle ne compte pas sur moi et qu’elle ne m’attende pas. Dites donc, je ne veux pas que vous vous dépêchiez si fort de sortir de ma rue quand vous vous en allez. Laissez-moi le temps au moins d’emplir mes yeux de votre silhouette. Qu’est-ce que cela vous fait ? Taisez-vous, cher Toto, et laissez-vous aimer, c’est bien le moins. Ne poussez pas l’exigence jusqu’à vouloir que je ne vous aime plus. D’abord vous perdriez votre temps.

Juliette

MVHP, MS a9088.1
Transcription de Michèle Bertaux, avec Joëlle Roubine


30 avril [1849], lundi midi

Dans un moment je serai à ton ordre, mon amour, mais vos ordres se feront probablement attendre deux heures comme de coutume. Je ne m’en plaindrais pas si vous n’exigiez pas que je sois prête tous les jours pour rien. Après cela je suis votre très humble Juju et je ne me reconnais pas d’autre droit que celui de vous attendre et de vous aimer comme un pauvre chien. Tout ce que je dis pour avoir l’air de protester contre cet état de caniche n’est que pour la forme car au fond je me résigne très bien à mon sort. Peut-être même que je ne saurais plus faire autrement si on m’y forçait. Ainsi, mon Toto, ne vous faites aucun scrupule de me traiter en conséquence. Je vous le dis en vérité je suis un pauvre chien fidèle que vous n’avez même pas besoin de mener en laisse et qui vous suivra partout et ailleurs sans retourner en arrière. Mon petit homme, mon Toto, mon maître, mon tyran je vous adore. Tâchez de me faire entrer quelquefois dans les maisons où vous êtes. Par exemple, à votre Assemblée nationale il me semble que vous devez être très près de votre [illis.]. Ne me faites pas le vilain tour de la donner à d’autres qu’à moi. Sans reproche vous savez que je vous comble de toutes espèces de choses depuis quelque temps. Moi je ne vous demande en échange que de vous voir un peu plus souvent. Il me semble que ce n’est pas trop exiger de votre générosité ? Aussi, j’y compte et je m’en fais d’avance une grande joie. En attendant, je vous aime avec rage.

Juliette

MVHP, MS a9039
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Donner campo : donner congé.

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