Paris, 4 avril [18]72, jeudi soir, 5 h. ½
Tu vois par l’heure de ma restitus, mon cher bien-aimé, que j’ai tenu à finir ma copie [1]. 234 vers depuis hier, ce n’est pas beaucoup, ce n’est pas assez pour mon bonheur, mais il faudrait n’être jamais dérangé et ne pas recevoir le citoyen Robelin, le plus bavard des architectes et des amis. Il t’a apporté deux comptes réglés, celui du tapissier et celui du serrurier. Quant au menuisier, il l’apportera plus tard. Il viendra dîner avec toi demain. J’aurais à te faire une légère remarque pour les vers sur Cayenne. Il y a un vers dont la rime est ÉCUME puis quatre ou cinq vers raturés et enfin le vers qui vient ensuite à la rime [un mot rendu illisible par un pâté ou par sa rature] SOMME. Je te signale la chose pour que tu vérifies toi-même ce lapsus plumae [2]. Quant à moi j’admire tout comme une bête [3], même ces deux rimes d’une simplicité antique. Ce n’est pas le moment de te féliciter ici de ta bonne nuit car voici bientôt le moment où tu dois venir. Mais je suis très contente que Mariette aille décidément mieux. Encore quelques jours de patience et elle reprendra possession pleine et entière de toi et de Petite Jeanne. On fait ici tout ce qu’on peut pour en hâter le moment en lui donnant tout ce qui peut la réconforter. J’ai payé son pharmacien. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 91
Transcription de Guy Rosa