Guernesey, 12 mars 1858, vendredi après-midi, 3 h. ¾
Tu ne viens pas, mon cher petit homme, mais je t’aime. ATTRAPÉ ! Il a beau faire des giboulées à toute grêle, je te souris à travers elles. INJUSTE ! Un temps viendra, il faut bien l’espérer, où vous n’aurez plus le moindre manger ni le plus paresseux des James [1] à m’opposer. Alors il faudra bien que votre indifférence apparaisse dans toute son horreur. En attendant, je vous aime. Je crois que voici quelqu’un.
5 h. ½.
Tu sais par qui j’ai été interrompue dans mon gribouillis, mon cher petit homme, puisque tu as trouvé miss Ailex chez moi tout à l’heure. Mais ce que tu ne sais pas et que tu ne sauras jamais assez, c’est combien je t’aime. Je t’avais demandé tout à l’heure de t’accompagner pour être plus longtemps avec toi et parce que je me trouvais naturellement prête et plus gaillarde que de coutume, mais j’ai vu que cela te contrariait ou te paraissait singulier alors j’ai rengainé ma proposition et mon envie car avant tout, je ne veux pas te gêner ou te préoccuper [illis.] que tu m’aimes comme autrefois, c’est possible voilà tout, bien TOUT, hélas trop, beaucoup trop TOUT.
BnF, Mss, NAF 16379, f. 58
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette