Guernesey, 23 février 1858, mardi après-midi, 4 h.
Je suis prête, mon cher petit homme, et le soleil aussi car le voilà qui rayonne comme pour nous faire fête et nous engager à être heureux bras-dessus, bras-dessous aujourd’hui. Malheureusement, tu as beaucoup de chiens et de Téléki à fouetter avant de penser à moi et il n’est que trop probable que tu ne viendras qu’à la dernière limite de six heures ce qui ne sera pas très obligeant pour la pauvre Loisel, laquelle te prodigue [repas ?] et FESTINS et salon de trois cents couverts, sans compter l’huilier. Quant à moi, j’endosse bravement les mécontentements que votre sans façon vous attire et dont on me rend plus ou moins responsable et je vous attends intrépidement les pieds sous les chenets et le cœur sur les lèvres. Tant pire si vous m’oubliez dans cette position plus chaude qu’amusante. Je viens d’envelopper les morceaux de la fameuse cuillère, ainsi que les petits raccords d’argent dans le cas où tu aurais le temps d’en parler à Lelâcheur. Maintenant, je vous aime comme si j’étais sûre que mon amour vous est aussi agréable qu’il m’est indispensable pour vivre.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 42
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette