Guernesey, 2 février 1858, mardi soir, 4 h. ¾
À quoi pensez-vous donc, mon cher petit homme, que vous ne venez même pas faire raccommoder votre soulier, ni chauffer vos pauvres pattes par la même occasion ? Cependant, je vous attends avec un bon feu depuis tantôt, vous même dans la compagnie du jeune Préveraud, lequel aurait pu profiter de la circonstance pour me SÉDUIRE. Tiens, je crois que vous voilà. C’était la jeune Berthe qui venait m’apporter une lettre d’invitation de sa tante pour le dimanche GRAS en même temps que des regrets et des excuses pour ma propre invitation de dimanche prochain sous prétexte de mission et de missionnaires. Ah ! Cette fois vous voilà. Je ne t’ai vu qu’un moment, mon bien-aimé, et ce moment si court suffit pour éclairer cette froide et maussade journée de tous les rayons du soleil absent. La joie de mon âme remplit de bleu tout l’horizon gris du bon Dieu. Je t’aime, je suis heureuse, je te bénis, je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 23
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette