16 septembre [1848], samedi matin, 7 h. ½.
Bonjour, mon petit homme, bonjour, avec le froid et l’onglée au dehors et avec l’amour et l’adoration au-dedans. Dors, mon cher petit homme, et tâche de rêver de moi et de m’aimer. Pendant ce temps-là, je fais mes préparatifs pour aller te rejoindre. Depuis hier je ne me suis occupée que de toi. D’abord, j’ai visité au jour tous les rideaux et toute la tenture de damas, ainsi que la passementerie. Tu sais que je n’avais pas encore pu le faire jusqu’ici et que je n’en avais pu juger que sur un morceau d’échantillon et un rideau. De cet examen il résulte que je n’ai pas encore payé la Penaillon [1] et que je ne la paierai que lorsque tu auras vu toute la chose entière et dans tous ses détails. L’affaire est trop importante pour que je te fasse faire légèrement une dépense de 400 F. par le temps de RUINE PUBLIQUE sous la quelle nous avons le bonheur de vivre. Il y a des taches et beaucoup d’endroits passés, surtout le quinze-seize [2]. Quant à la passementerie, il n’y a rien à dire. Enfin, tu verras tout cela et tu décideras avec connaissance de cause. J’aime mieux cela que de prendre la responsabilité d’un marché pour lequel tu aurais un regret possible. En attendant, je t’aime et je te baise sans marchander.
Juliette
Harvard
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]