Guernesey, 9 janvier 1858, samedi soir, 4 h. ½
Vous vous attardez beaucoup chez votre banquier, mon cher petit homme, ce qui me ferait croire qu’il est un peu plus amusant que le carabinier de Charles, ce dont je vous félicite en grinçant les dents. Quant à moi, qui n’ai ni banque ni banquier, je m’amuse pauvrement et chichement du souvenir de notre bonheur d’autrefois. Depuis le temps que je remâche à vide, il n’en sort plus aucune joie, mon cher petit homme, ce qui m’oblige à vous demander un petit morceau de bonheur tout vif pour mettre sous ma dent avant qu’il ne me reste plus que les [illis.]. En attendant, je te remercie bien de ta petite part de gâteau, mon bien-aimé. Je crois que te voilà. Je suis heureuse, je n’ai plus besoin de rien, je suis contente, quel bonheur ! Quand je pense à tout ce que tu fais pour moi, pour tout le monde, de bien, de beau et de bon, sans jamais te lasser, mon sublime bien-aimé, les larmes d’admiration et de reconnaissance me viennent aux yeux et mon cœur se fond en adoration devant toi. Oh je t’aime mon Victor.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 11
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette