Guernesey, 7 janvier 1858, jeudi soir, 5 h. ½
Je me donnerai bien de garde de me débarbouiller ce soir puisque tu t’absentes et même tu t’absinthes pour tout le reste de la soirée, mon cher petit homme. C’est bien le moins que n’ayant pas la chance de te revoir aujourd’hui, j’en profite pour rester dans ma crasse, sans compter mes fameux comptes qu’il faut enfin que je mette à jour pour que tu me donnes de l’argent dont le besoin se fait de plus en plus sentir. C’est triste à dire surtout quand comme moi on sait que cela s’ajoute à tous tes autres fardeaux. S’il dépendait de moi de t’épargner le souci de mon existence matérielle, Dieu sait si je m’y emploierais avec joie. Malheureusement, je n’y peux rien à moins de changer complètement mon genre de vie, ce qui n’est peut-être pas impossible si tu avais le courage de le vouloir et de me le dire. Tiens, je sens que je te blesse dans ce que tu as de plus tendre et de plus généreux, mon pauvre grand adoré, et je t’en demande pardon à genoux. Que le diable emporte l’argent pourvu que Dieu nous laisse notre amour et puis sois bien heureux ce soir, mon bien-aimé et pense à moi. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16379, f. 9
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette