Guernesey, 4 janvier 1858, lundi soir, 5 h.
Je ne me suis pas encore assise depuis mon déjeuner, mon cher petit homme, et je ne me suis pas réchauffée depuis ce matin, grâce à mes divers travaux de nettoyagea, de ménage et de personne. Aussi est-ce à grand peine que je tiens ma plume entre mes doigts tant ils sont engourdis par le froid. Mais je veux te donner mon cœur sous la forme restitus avant que tu ne viennes prendre possession de ta table, ce qui fait que je ne lâche pas plume et que je m’y cramponne de toute la force de mon onglée. Je t’aime mon petit homme, si tu trouves cela trop bête, tu n’es pas forcé de le prendre. Il me suffit de sentir mon amour bien chaudement au fond de mon cœur pour être heureux dans ce moment-ci, mais ce n’est pas une raison pour t’en ennuyer. Mais te voilà, quel bonheur, je vais te baiser pour de vrai en chair et en os.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 6
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « netoyage ».