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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 avril [1848], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour. Je suis un peu moins malingre [1] ce matin. J’ai la tête moins douloureuse. Il me semble que si j’étais sûre de passer la journée avec toi je serais la plus portante et la plus heureuse des femmes. Mais il n’en est rien. Il est probable même que je te verrai très peu à cause de toutes ces choses qui s’appellent : République, élections, commission [2], réception, ovation et tribulation. Je m’y attends et je ne me résigne pas du tout. J’aimerais mieux moins de liberté, pas d’égalité et encore moins de fraternité pour beaucoup de tranquillité, de gaieté et de Toto. Jusqu’à présent voilà ce que je préfère y compris les lam-pions. À ce sujet je vous demanderai si vous avez illuminé hier ? Si vous avez été bien gentil vous seriez venu me prendre pour me faire voir les illuminations de la Place Royale. Je ne faisais que me coucher quand vous êtes venu, et cela de guerre lasse et à cause de mon mal de tête. Maintenant je ne sais plus quand je pourrai sortir avec vous, car si vous êtes de cette Assemblée [3] cela prendra tout votre temps et je serai la pauvre Juju comme devant. Je ne veux pas penser à cela c’est trop triste. Je t’aime.

Juliette

MVH, 8069
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « s’appelent ».


21 avril [1848], vendredi après-midi, 2 h.

Il me semble que tu m’as dit que tu avais une commission aujourd’hui mais tu as oublié de me dire à quelle heure et si je pourrais t’y conduire ou t’y aller chercher. Cependant c’est la chose qui pour le moment m’intéresse le plus. Tout à l’heure je serai prête moins l’harnachement que je ne veux pas me planter sur le corps d’avance et sans savoir s’il me servira comme hier. Si tu veux m’emmener il me faudra pas plus de cinq minutes pour m’habiller. Si tu ne le peux pas je resterai chez moi comme un pauvre chien. À propos que devient ton GARNISAIRE [4] ? J’en ai rêvé cette nuit, c’était drôle et peu agréable. Heureusement que ce n’était qu’un rêve et qu’en réalité tu as été très content d’héberger ce FILS DE [BELLONE  ?] et de [MARE  ?] [5]. J’espère qu’il sera reparti enchanté de la bonne fortune. C’est que ce n’en est pas une mince que d’avoir pour auberge la maison de Victor Hugo et pour hôte le Victor Hugo lui-même. Rien que pour cela je me serais fait soldat ou MILITAIRE. Mais comme je n’ai pas de chance il est probable que je serais tombée chez un Ancelot quelconque ou un Ponsard de circonstance. Décidément j’aime autant rester FILLE et vous attendre depuis un bout de ma vie jusqu’à l’autre. Ca n’est pas bien drôle mais c’est moins bête. Baisez-moi, taisez-vous.

Juliette

MVH, 8070
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

Notes

[1Qui a peine à retrouver ses forces. (Littré)

[2La chronologie de Jean Massin, revue et corrigée sur le site du Groupe Hugo, nous apprend que Victor Hugo était absent ce jour-là à la réunion de la Commission dramatique.

[3Victor Hugo ne se porte pas candidat aux premières élections de l’Assemblée Constituante. Néanmoins, sous la pression de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, et cela une dizaine de jours avant les élections, il devient leur candidat officiel. Le 23 avril 1848, il arrive en 48e position avec près de soixante mille voix.

[4Terme d’ancienne jurisprudence. Gardien qu’on établissait dans la maison d’un débiteur saisi. (Littré)

[5À élucider.

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