Guernesey, 7 novembre [18]78, jeudi matin, 6 h. ½
Où en es-tu de ta nuit, mon grand bien-aimé ? Moi la mienne est déjà finie depuis longtemps (courte et bonne), cela me suffit. De reste, pourvu que la tienne se prolongea (longue et excellente) comme je l’espère. La piperette du jour [1] s’annonce très bien ce matin et je crois qu’il fera très beau toute la journée. Je t’écris fenêtres ouvertes pour respirer l’air doux et pur de la mer et de la terre mêlant leur haleine comme deux amoureux dans un tendre baiser.
Je n’ai pas encore averti Rosalie de son congé définitif à partir de notre arrivée à Paris, voulant lui épargner et m’épargner à moi des tracasseries et des prières inutiles. Voici, sauf ta volonté bien entendu, comment je compte faire avec elle : son mois finitb le 19 courant et nous serons de retour le 10 à Paris. L’habitude est de prévenir huit jours d’avance ce qui est impossible pour nous. Mon avis donc serait de lui payer son mois double c’est-à-dire cent francs au lieu de cinquante pour l’indemniser de ses huitc jours de gages, de loyer et de nourriture. C’est-à-dire lui ôter le droit de se plaindre et de clabauder avec une apparence de raison. C’est-à-dire le sacrifice de vingt-cinq francs en dehors de ce qu’on lui doit légalement. Penses-y mon adoré, ce que tu voudras sera fait comme toujours. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 177
Transcription de Chantal Brière
a) « prolongue ». On peut penser qu’il s’agit d’un jeu de mot en écho avec l’adjectif « longue » qui suit.
b) « fini ».
c) « huits ».