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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 février [1843], dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher amour de mon âme, bonjour, je t’aime. Tes pauvres yeux vont-ils mieux ce matin ? Es-tu moins fatigué et moins triste qu’hier, mon adoré ? Toute la nuit j’ai rêvé de toi. J’ai interprété ta tristesse au profit de ma jalousie de sorte que j’ai eu un de ces cauchemarsa que tu connais, dans lesquels j’étouffe, je crie, je pleure, je souffreb comme une damnée. Il est vrai qu’à travers tout ça j’ai brûléc ma chemise peignoird et que je ne pouvais pas éteindre les flammes qui m’enveloppaient. Tu sais que c’est signe de joie et comme le rêve est pour celui à qui on le dit quand on est à jeun, je me dépêche de te le dire afin que tu en profites, mon adoré, parce que ma joie c’est la tienne. Je ne suis heureuse que par toi.
Ma Clairette est à la messe. Si tu avais pu la voir hier à Lucrèce [1], elle t’aurait fait plaisir : les yeux lui sortaient de la tête d’étonnement et d’admiration, ou bien elle pleurait comme une madeleine à tous les endroits pathétiques de la pièce ; enfin, j’ai été très contente d’elle. Si elle pouvait entendre souvent de pareils chefs-d’œuvre, elle deviendrait une petite personne très distinguée. Je serais très femme à te demander à retourner ce soir à Lucrèce mais je ne le ferai pas parce que je sens que cela te cause trop de dérangement. Mais ce n’est pas l’envie qui me manque. L’appétit vient en mangeant et j’ai une faim du diable de tout ce qui est toi.
Ne sois plus triste, mon bien-aimé, je t’en prie, je t’en prie, que veux-tu que je fasse pour te faire sourire ? Dis-le moi, je le ferai tout de suite mon Toto bien-aimé. En attendant, je suis triste de ta tristesse, mon pauvre ange et je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 183-184
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « cauchemards ».
b) « soufre ».
c) « brûlée ».
d) « peignoire ».

Notes

[1Lucrèce Borgia est reprise à l’Odéon.

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