Guernesey, 1er janvier 1868, mercredi matin, 8 h.
Je te remercie, mon grand bien-aimé, de me mettre de moitié dans ta prière à Dieu quand tu lui demandes de ne pas nous séparer ni dans la vie ni dans la mort. C’est ma prière de tous les instants, l’aspiration de mon cœur et la foi de mon âme. Je ne suis pas une femme dévouée, mon sublime bien-aimé, je suis une femme qui t’aime, qui t’admire et qui te vénère. Vivre près de toi, c’est le paradis. Mourir avec toi, c’est la consécration de notre amour pour l’éternité. Je veux vivre et mourir avec toi. Je le demande à Dieu comme tu le lui demandes. J’espère qu’il nous exaucera tous les deux. Je sens comme toi, mon cher bien-aimé, que nos deux chères âmes planent au-dessus de nous, qu’elles veillent sur nous et qu’elles nous bénissent. Je les associe à toutes mes pensées, à toutes mes douleurs et à toutes mes joies et je mets ma prière sous leurs ailes pour qu’elles les portent aux pieds de Dieu. Je les bénis comme elles me bénissent, avec ce que j’ai de plus doux et de plus saint et de plus sacré dans l’âme. Je m’interromps presque à chaque ligne pour relire mon adorable petite lettre [1] que je sais pourtant déjà par cœur. Je la baise, je lui parle, je l’écoute et puis je recommence et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 1
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon]