Guernesey, 4 décembre 1856, jeudi soir, 7 h.
Plus souvent que je vais vous faire grâce de mon gribouillis ce soir, vous en seriez ma foi trop content et je ne veux pas que vous le soyez, CONTENT, vilain [illis.] que vous êtes. Je vous vois venir avec les gros sabots de votre SIAMOISE, je n’aime que les siamois soudés nez-à-nez justement, mais vous avez beau faire, je n’abuserai pas de votre généreux dévouement pour me faire pincer à tout mon beau damas de l’Inde rouge [1]. Ma discrétion bien connue se révolte à la pensée de cet abus de votre douce confiance. Je garde qu’est-ce que j’ai en attendant que vous me donniez quoi que vous aurez. Telle est ma faiblesse et je ne sors pas de là. Du reste, j’ai d’affreuses douleurs dans le bras droit qui me laissent à peine la possibilité de vous écrire ces jolies choses. Cependant, comme je tiens à ce qu’elles vous débarbouillent votre auguste piffe, ne pas lire piffe d’Auguste, je me raidis contre le mal tant que je peux, quitte à crier miséricorde tout à l’heure. Maintenant, tâchez de ne pas venir chercher mes baisers tout de suite et vous aurez affaire avec mes griffes.
Juju
Bnf, Mss, NAF 16377, f. 275
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette