Paris, 2 janvier [18]71, lundi soir, 5 h. ½
Quelle longue et mortelle journée pour moi, mon cher bien-aimé, que celle qui vient de s’écouler sans avoir pu glisser dans l’interstice du bavardage de Mlle A. [1] un seul mot de tendresse à toi adressé. Elle vient enfin de s’en aller et j’en profite séance tenante, sans même prendre le temps d’humecter ma bouche desséchée par ce parlage à jet continu avec un peu de ma propre salive. Quelle terrible diseuse de rien que cette pauvre fille et quel supplice ce serait de la subir tous les jours ! Heureusement que ses visites sont rares. Entre temps, comme dit le citoyen Lacroix, de piètre mémoire, j’ai reçu un magnifique sac de bonbons du jeune [Blum ?] et après lui la visite collective de ton fils et celle de M. Bochet, lequel M. Bochet apportait d’excellentes nouvelles prises au ministère Picard [2] lequel ministre, ou ministère, les avait adroitement soutirées au ministère américain. Voilà bien des ministres et des ministères pour une nouvelle peut-être apocryphe mais qui feraa une heureuse diversion pendant quelques heures aux autres malheureusement trop vraies. Le bois vaut 4 F. les 25 kilos et le cokeb 4 F. le seauc, c’est-à-dire comme huit à dix francs par jour de chauffage pour nos deux pièces. C’est raide ! [3] Ce qui ne l’est pas moins, raide, c’est que je t’adore malgré tes affreux torts envers moi.
MLVH Bièvres, 130-8-LAS-VH 26 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain
a) « faira ».
b) « cok ».
c) « sceau ».