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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mai 1856

Guernesey, 10 mai 1856, samedi midi

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour à tous crins car j’ai passé une vraie bonne nuit et je me sens capable de tout et même de vous aimer davantage si vous me poussez à bout. En attendant je lutte contre un accès d’ânerie rouge de la Suzarde qui est bien par moments la plus insupportable créature qui soit au monde. Quant à moi qui me sers plus que je m’en sers, je trouve souvent le bout de ma patience et je préférerais cent fois n’avoir pas de servante que d’en avoir une de ce caractère. Décidément c’est un système absurde que celui de faire de ses domestiques ses égaux dans la vie pratique car les maîtres ne tardent pas à être considérés par eux comme des inférieurs fort indiscrets dans leurs exigences. Quant à moi je n’en suis pas à me repentir pour la première fois aujourd’hui de m’être laissée aller à cette Berquinade [1] démocratique et SAUCIALE [2] et je saisirais avec empressement l’occasion de sortir de ce ridicule gênant. En voilà bien long sur les malheurs d’un torchon arrogant et d’un balai têtu mais c’est que je suis en verve d’impatience et d’irritation depuis bien longtemps et il me semble que je me soulage en te débagoulant tout cela à travers la lie de ma plume. Du reste il fait un temps exquis et qui mériterait les honneurs d’une bonne petite promenade d’un Toto et d’une Juju bras dessus bras dessous et leurs deux âmes au vent enlacées l’une à l’autre. Mais vous ne ferez rien comme une bête que vous êtes et vous resterez chez vous sous prétexte de Dieu et du Diable auxquelsa vous tenez fidèle compagnie pendant que je vous attends de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 142
Transcription de Chantal Brière

a) « auquels ».

Notes

[1Œuvre littéraire fade et sentimentale, à la manière de Berquin.

[2Jeu de mots qui associe « social » et « sauce » puisqu’il est question de la servante Suzanne.

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