Guernesey, 3 avril 1856, jeudi après-midi, 4 h.
Je n’ai que mon amour de bien portant aujourd’hui, mon cher adoré ; aussi je te le donne des pieds à la tête. Quant à moi, je ne te conseille pas d’en prendre livraison sous aucun prétexte car tu ferais une fichue acquisition pour le quart d’heure. Je ne m’en inquiète pas autrement, bien que ce soit assez gênant et encore plus maussade, mais j’attribue ce malaise à la saison et je prends patience en attendant. Il n’en esta pas de même pour ma cheminée, laquelle m’agace outre mesure en m’asphyxiant de fumée. J’ai beau essayer de tous mes divers courants d’air je ne peux pas réussir à faire aller cette affreuse cheminée. Décidément j’y renonce et je l’abandonne à elle-même. Tu es bien gentil d’être venu tantôt bien que ce ne soit pas pour moi mais j’en ai été aussi heureuse que si tu étais venu tout exprès pour me faire plaisir. Dès que je te vois je suis si heureuse que je me fais illusion sur tout et le RESTE. Oui, mon cher petit homme, c’est comme cela. En revanche quandb je ne vous vois plus ma défiance me revient et je suis toute triste et pour peu que vous tardiez encore à venir il est probable que je serai la plus lugubre des Juju car je sens que le noir m’envahit au moral autant qu’au physiquec et ce n’est pas peu dire. Cher petit homme, je tâche de faire une éclaircie jusqu’à mon âme pour te donner un joyeux sourire avec un doux baiser. Je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 105
Transcription de Chantal Brière
a) « n’est ».
b) Juliette écrit deux fois « quand ».
c) « phisique ».