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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 janvier [1839], samedi midi

Bonjour, mon petit homme chéri, bonjour, mon amour. Vous êtes joliment [venu  ?] ! Justement, je me portais très bien, vous êtes une BÊTE ! Je voudrais vous baiser dans ce moment-ci, mais Dieu sait quand il vous plaira de venir. Cependant, j’espère aller à Ruy Blas ce soir, si votre majesté ne s’y oppose pas. Claire vient de me dire une douzaine de vers de Don César : le plumeau consterné et le seigneur Goulatromba [1]. Vous voyez, mon Toto, qu’elle est sur le point de passer corps et âme dans le CAMP DES ROMANTIQUES. Aussi, je la surveille de prèsa : c’est pour cela que je vous prie de nous faire aller ce soir à Ruy Blas pour observer le progrès MALHEUREUX que cette espèce de littérature produit sur l’esprit de cette jeune personne. Eh bien, on rit, voilà tout, ça n’est pas permis à présent ?
Je commence à croire que la François n’est pas aussi innocente que je le pensais pour le manchon en peau de lapin. Nous en aurons enfin le cœur net d’ici à deux jours. C’est toujours une affaire ennuyeuseb et dont en mon particulier je me serais très bien passée. Et puis tout cela n’est rien, parce que je t’aime et que hors mon amour toutes les contrariétés de la vie m’arrivent à l’état de zéphyrc et non de bourrasqued, vois-tu, mon Toto. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 15-16
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « prêt ».
b) « ennuieuse ».
c) « zéphir ».
d) « bourasque ».


5 janvier [1839], samedi soir, 5 h. ¾

C’est toujours la même chose mon adoré, vous venez le moins que vous pouvez. Comment voulez-vous que je ne sois pas triste. Je n’ose même pas trop compter sur cette soirée pas plus que sur le souper parce que plus je désire un plaisir ou un bonheur et moins il m’arrive. Je viens d’envoyer chercher un serrurier pour remettre le pênea de la serrure de ma chambre qui ne veut plus retomber, car ce n’est pas la saison, maintenant, d’avoir les portes ouvertes. Je ne vois pas venir la François. Je n’entends pas parler de Mme Krafft ; enfin je vis dans la solitude la plus parfaite. Quel bonheur ! J’ai cependant apprêté ma Claire et moi dans l’espoir d’aller à Ruy Blas mais je commence à en désespérer. Papa est bien i. J’ai reçu la carte de mon médecin, il est probable que je ne tarderai pas à recevoir une demande d’argent dans les formes. Mon cher petit homme, si je vous avais vu seulement une minute aujourd’hui, je serais gaie et heureuse à la place d’être triste et découragée. Pourquoi n’êtes-vous pas venu puisque vous savez l’effet que cela me fait ? Je vous aime trop, n’est-ce pas ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 17-18
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « penne ».

Notes

[1Note à étoffer : Goulatromba : RB IV, 3 plus loin, tu trouveras un trou noir comme un four, un cabaret qui chante au coin d’un carrefour. Sur le seuil boit et fume un vivant qui le hante. C’est un homme fort doux et de vie élégante, un seigneur dont jamais un juron ne tomba, et mon ami de cœur, nommé Goulatromba.

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