23 mai 1857

Guernesey, 23 mai 1857, samedi après-midi 2 h

Je suis furieuse, malade et enragée à force de courir à la pluie et de m’égosiller dans le brouillard après ce stupide petit oiseau que le diable emporte. Si jamais on me repince à me faire geôlière de serin, il fera plus chaud qu’aujourd’hui et ce sera pour un Quesnard [1] encore plus gros que le vôtre, si c’est possible. En attendant, je ne peux plus remuer ni pied ni pattes et j’ai un mal de gorge horrible. Jolie récompense de ma complaisance ; tout cela couronné de votre absence n’est pas fait pour égayer beaucoup ma restitus. Aussi je me dépêche de vous la bâcler pour m’occuper à quelque chose de plus agréable puisqu’elle vous est destinée, ma tapisserie. Fichtre, il me semble que cette dernière phrase est assez finement [bouclée  ?] pour une Juju aussi complètement défrisée que moi. Si cela pouvait vous engager à venir me voir un peu avant ce soir je ne la regretterais pas ; au contraire, et je m’appliquerais à vous en faire encore de plus crêpées et de plus hurlupées, des phrases, mon cœur dût-il en crever à la peine.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 90
Transcription d’André Maget assisté de Florence Naugrette