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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 16 février [18]72, vendredi matin, 8 h.

Cher bien-aimé, je n’ose pas te rappeler que tu avais coutume de consacrer chacun des anniversaires de notre amour par un petit mot sur mon livre rouge quand nous étions chez nous et par une petite lettre quand nous étions à l’étranger  ; aujourd’hui que nous ne sommes ni à l’étranger, ni chez nous, est-ce une raison pour dédaigner ce cher anniversaire et pour manquer de reconnaissance envers nos trente-neuf ans d’amour ? Pour moi, je ne le sens pas ainsi et c’est à genoux que je le salue et c’est à genoux que je te prie de me donner le certificat de vie et de présence de nos deux cœurs et de nos deux âmes. Plus il y a de malheur et de tristesse autour de nous [1], plus le phare d’amour doit briller et rayonner, n’est-ce pas mon grand éprouvé, mon vénéré et sublime martyr ? J’espère que Suzanne me rapportera un bon petit mot bien tendre que je pourrai porter sur mon cœur pendant toute cette journée, 16 février, date à jamais bénie par moi depuis 1833. Pour la fêter sous toutes ses formes, j’irai de soir avec toi à la répétition de Ruy Blas [2] et nous souperons ensemble tous les deux chez moi. C’est bien convenu n’est-ce pas ? Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 43
Transcription de Guy Rosa


Paris, 16 février [18]72, vendredi soir 3 h.

Cher bien-aimé, je te rends le mot à mot de ta chère petite lettre parce que mon cœur ne trouve rien de mieux à te dire. Je t’aime comme tu m’aimes, je veux ce que tu veux, je crois ce que tu crois et j’attends avec confiance le jour de notre entrée dans la lumière éternelle.
Je viens de voir Madame d’Alton [3] pendant quelques instants et à la suite de ton adorable petite Jeanne à laquelle j’ai donné un peu de chacalat, et un peu de raisin. Il paraît qu’hier, venant de la promenade, elle a reconnu ma maison et qu’elle voulait à toute force venir voir madame Toumet. J’ai dit à Mariette de me l’amener tant que sa maman le permettra. Il paraît encore que ton lunch dégénère en dîner. Je ne m’y oppose pas, seulement il faudra se contenter de viande froide rouge et blanche car je n’ai pas le temps de faire faire autre chose. Je t’ai envoyé ce matin, mais craignant que Mariette ne l’introduise pas auprès de toi j’ai dépêché Suzanne en toute hâte pour l’empêcher de faire une boulette en l’éconduisant par ignorance comme elle a fait à Peyrat autrefois. J’espère que la répétition ce soir marchera bien et que tu seras content. En attendant j’ai déjà l’agitation de la première représentation, surexcitée par mon adoration pour toi et par ton génie.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 44
Transcription de Guy Rosa
[Pouchain]

Notes

[1À la mort de son fils Charles l’année précédente s’ajoute le retour et l’internement nécessaire d’Adèle, sa fille.

[2La Première aura lieu le 19 février.

[3Mme d’Alton-Shée.

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