18 décembre 1873

Paris, 18 décembre [18]73, jeudi matin, 10 h.

Je suis venue me réfugier dans la salle à manger, mon grand Petit Homme, pour laisser le champ libre à ces demoiselles qui entreprennent un nettoyage^a à fond du salon et de ma chambre. C’est de cette pièce lumineuse, pittoresque et folâtre que je te gribouille ma restitus ; j’espère que tu t’en apercevras du reste par ma bonne humeur et par ma gaité. Dame, contez-donc citoyen, on s’inspire de ce qu’on peut et comme on peut ; c’est pourquoi je suis si joyeuse, si contente et si heureuse ce matin, en dépit du décor qui laisse beaucoup à désirer. Il est vrai que tu m’as mis au cœur un soleil d’amour qui illumine tout en moi et hors moi. Je vois tout en beau ce matin et le bonheur me semble désormais l’élément naturel de ta vie et de la mienne. Puisse cette illusion durer autant que notre éternité, c’est ce que je demande à Dieu, de toutes les forces de mon âme et j’espère, toi aidant, qu’il m’accordera ce que je lui demande et qu’il te bénira dans tes chers grands et petits enfants. J’attends avec impatience le retour de Mariette pour savoir comment ton cher Petit Victor [1] a passé la nuit et comment vont ce matin tes deux ravissants petits démons. Je t’aime, je t’adore, je te souris.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 351
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

a) « nétoyage ».