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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Mont-Saint-Jean, 18 juin 1861, mardi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon cher petit absent, bonjour. Tâche de revenir aujourd’hui car je suis vraiment bien triste et bien découragée, quoi que je fasse. Si tu ne revenais pas ce soir je ne sais pas ce que je deviendrais, tant je trouve le temps long loin de toi. J’ai dit hier à mon hôtesse que je déjeunerais ce matin dans ma chambre et que Suzanne me servira le déjeuner. Je lui ai laissé croire que c’était par égard pour son encombrement de notaires et de paysans mais la réalité est que la pensée de voir qui ou quoi que ce soit qui ne soit pas toi me fait horreur. Sans compter que mon chauvinisme se trouverait assez humilié devant la jubilation bêtasse des visiteurs anglais aujourd’hui encore plus que les autres jours. Aussi je suis résolue à rester derrière mon store toute la journée et à n’en quitter que pour aller au-devant de toi ce soir. Aller au-devant de toi ! Que[l] bonheur si nous revenons ensemble ! Mais aussi, oh mon Dieu ! Quelle tristesse si je reviens seule ! Une autre fois je ne serai pas si scrupuleuse et je me ficherai du qu’en dira-t-on ? Et j’irai où tu iras. Tant pire pour ceux qui le trouveront mauvais. En attendant me voici seule ici avec une affreuse grande journée devant moi. Comment la passerai-je ? That is the question à laquelle mon pauvre cœur ne sait que répondre. Je voudrais être à ce soir. Je voudrais être à demain, je voudrais être au moment heureux et rayonnant où je te reverrai. Jusque là tant pire si je suis triste, ennuyéea et malheureuse. D’ailleurs qu’est-ce que je ferais de la joie, de la gaîté et du bonheur loin de toi ? Qu’est-ce que fait la lumière, le jour et le soleil au pauvre aveugle ? Rien, rien, rien. Reviens bien vite [1], mon adoré, que je revive, que je chante, que je bénisse Dieu dans un de tes baisers.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16382, f. 83-84
Transcription de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « ennuiée ».

Notes

[1Victor Hugo revient à Mont-Saint-Jean le 18 juin 1861.

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