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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 juillet [1846], après-midi, 2 h. ¼ mercredi

Qu’est-ce que vous faites donc, mon cher petit homme, que vous ne venez pas ? J’ai bien peur que la collaboration de Mme Pinguet avec Mamzelle Dédé ne soit le vrai motif du peu d’empressement que vous mettez à venir me voir. Hum ! si j’en étais bien sûre, quelles bonnes gifles je vous donnerais et à elle aussi. Prenez garde que je ne prenne mes soupçons pour des certitudes et que je n’agisse dans ce sens-là tout de suite et à tour de bras. Mon pauvre bien-aimé, mon cher Victor, mon doux adoré, je te désire et je t’attends. Tâche de venir le plus vite que tu pourras car j’ai un besoin ardent de te voir et de te baiser.
M. Vilain aura bientôt fini le bonnet, mais par une fâcheuse coïncidence, causée par l’orage, mes cheveux, depuis deux jours, ne veulent pas friser sous aucun prétexte, de sorte qu’il ne pourra pas finir le buste aujourd’hui [1]. J’en suis on ne peut pas plus contrariée, pour lui et pour moi. Je sens que cela se prolonge bien au-delà de ses prévisions et des miennes, et que cela peut le gêner dans ses affaires en outre de l’ennui qu’il doit en éprouver. Mais qu’y faire ? Rager dans sa peau et faire bon visage, c’est à quoi je m’applique de mon mieux pour mon propre compte. Il faut, pendant que j’y pense, mon cher petit homme, que je te dise que nous avons les deux grosses reconnaissances à renouvelera le 25 de ce mois, plus Mme Sauvageot, le mois de Suzanne et le mémoire des petites Rivière. Je t’en avertis à l’avance pour que tu ne sois pas pris de court et surtout pour t’obéir car rien ne me coûte davantage, non par amour-propre mais par amour le plus tendre. Je souffre quand je pense que je ne suis pour toi, que j’aime plus que ma vie, qu’un fardeau et un souci de tous les instants. Tout ce qui me rappelle cette triste et incessante vérité m’est odieux. Je voudrais pouvoir me faire illusion mais hélas, je n’y parviens pas, même en y mettant toute la bonne volonté possible. Pour m’y résigner, il faut que je croie que tu m’aimes autant que je t’aime et que tu ne peux pas plus te passer de moi que je ne le pourrais de toi. Est-ce vrai ? Toi seul le saisb. Quant à moi, c’est vrai, vrai, vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 229-230
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « renouveller ».
b) « sait ».

Notes

[1Juliette pose pour Victor Vilain.

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