Guernesey, 12 août 1859, vendredi, 8 h. du m.
Bonjour, mon bien-aimé, bonjour de tout mon amour et que ce que tout ce que tu aimes et ce que tu désires soit avec toi. Je me dépêche de t’envoyer ce bonjour plein de tendresse et de caresses pour aller faire la soupe de ce pauvre Springa que j’entends se plaindre et pleurer. Pauvre être martyr ! Pour l’empêcher de se sauver et d’aller chercher la pitance qu’on lui donne trop chichement chez lui, on a été obligé de l’enchaîner malgré l’horrible plaie de sa gorge. On peut dire que toutes les misères, toutes les souffrances, et tous les malheurs et toutes les cruautés s’acharnent sur ce pauvre chien. C’est à n’y pas croire, même quand on le voit. Si c’est avec le consentement de Dieu et comme punition d’une vie antérieure à celle-ci que toutes ces choses lui arrivent, il faut avouer qu’il a dû être un grand criminel et un fier scélérat ailleurs que dans ce monde. Cela ne m’empêche pas d’en avoir pitié comme du plus doux et du meilleur des chiens et je vais lui faire sa soupe tout de suite. J’espère que voilà une restitus de chien et digne de finir à quatre pattes et à vos chers petits pieds.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 182
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « Sprin ».