25 décembre [1846], vendredi matin, 11 h.
Bonjour, mon petit homme bien-aimé, bonjour mon adoré petit Toto, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Grognes-tu encore ? Ah ! bien non je ne le veux plus, c’est assez comme cela. Ce n’est pas de ma faute si je suis une vieille patraque, il ne faut pas y ajouter ton mécontentement et ton petit air triste. Je serai très prudente à l’avenir et très obéissante mais je veux que tu me souries et que tu sois geaia et que tu me portes…..b pas sur les épaules. En attendant, vous avez oublié mon griffouillis d’hier et vous ne m’apportez pas de papier, ce qui fait que je serai forcée de patauger sur votre beau satiné. J’en ris d’avance et je sens mes pattes de mouches frétiller dans le bout de ma plume à cette seule pensée. Tôt ou tard la vertu triomphe et a sa récompense. Cette morale n’est pas consolante mais elle est encore moins neuve, ce qui la rend parfaitement insipide avant comme après.
Je vous aime, mon petit Toto, et je voudrais vous le prouver à pied et à cheval. Je m’impatiente et je rage du contretemps fâcheux qui s’y oppose pour le moment et j’espère bien pourtant qu’il ne durera pas longtemps. D’ici là, il faut que j’attende et que je me résigne, ce qui n’est pas la moindre chose avec ma nature impatiente. Pour m’y aider je lirai les documents secrets sur l’état de la Comédie-Française en ce moment [1]. Voime, voime, fort amusant. J’aimerais presque autant me livrer aux folâtreries du moniteur industriel. Cher adoré bien-aimé, tout cela est pour rire et pour passer le temps sur ma chaise sans bougerc pendant que mon cœur, mon âme et ma pensée seront avec toi. Je te baise et je t’adore plus que jamais.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 285-286
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « geaie ».
b) Il y a cinq points de suspension.
c) « boujer ».