22 février [1838], jeudi midi
Mais, mon Toto, à quoi pensez-vous donc ? Voilà bientôt un mois que vous ne m’avez fait l’honneur de déjeuner avec moi. Pour peu que vous me donniez deux pièces par an et que vous en fassiez reprendre autant, je mourrai vierge et martyre de ma fidélité. Il me semble qu’il y aurait moyen pour un cœur bien amoureux d’arranger tout cela ? Je vous en ai déjà indiqué un qui est très facile et que vous pouvez suivre sans troubler en rien l’ordre et la marche de vos répétitions. Il y a cinq ans vous auriez bien su mener de front et à bien le théâtre et l’amour. Qu’il vous souvienne de Marie Tudor. Et ne dites pas que vous travaillez plus à présent que dans ce temps-là car vous savez bien dans votre conscience que ce n’est pas le travail qui vous empêche de venir prendre quelques heures de repos avec moi le matin. Ce n’est pas le travail qui vous fait préférer les deux mères [1] de la Porte-St-Martin à un tête-à-tête de deux heures avec moi et chez moi. Je ne suis pas ingrate, mon Toto, je sais tout ce que vous faites de généreux et de dévoué pour moi. Mais je sais aussi que vous ne m’aimez plus d’amour.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16333, f. 95-96
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain