Paris, 29 avril 1880, jeudi matin, 7 h. ½
Cher grand bien-aimé, sois éternellement glorifié et béni pour le divin livre [1] que tu viens de donner à l’humanité. C’est plus qu’un beau livre, c’est une bonne action ! Il ne fallait rien moins que ton génie surhumain pour démontrer et pour affirmer Dieu comme tu viens de le faire. Va, tu es bien aussi, toi, « Le Témoin de Sa Vie » comme l’a été pour la tienne la grande âme trop tôt envolée [2]. Tout le monde te dira cela mieux que je ne saurais le dire, mais personne ne comprendra mieux que moi cet adorable livre qu’on devrait lire et qu’on lira bientôt à genoux parce qu’il est inspiré par Dieu et qu’il conduit à Dieu. Mon cœur se fond en admiration, en reconnaissance et en adoration devant toi ! Je viens de m’assurer à l’Officiel [3]de l’heure de la réunion dans les bureaux au Sénat, c’est à 2 heures. Il n’y aura pas de séance publique après. Je te fais souvenir que tu dois être à une heure et demie au Rappel [4] pour l’assemblée des actionnaires. Peut-être pourrai-je utiliser ce temps-là pour acheter du linge aux magasins du Louvre ? À toi d’en décider l’opportunité. Je ferai comme tu voudras. Pourvu que je sois le moins longtemps possible séparée de toi et que tu m’aimes, le reste m’est absolument indifférent.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 114
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin