Paris, 23 avril 1880, vendredi matin, 8 h.
Puisque tu as bien dormi, puisque tu te portes bien, mon cher bien-aimé, il faut que de mon côté, je sois heureuse et moins dolente. C’est à quoi je m’applique en ce moment, vaille que vaille. Il n’est arrivé aucune nouvelle du Sénat jusqu’à présent, ni l’Officiel [1], ni convocation, ni compte-rendu de la séance d’hier. En revanche, il y a un petit mot de Paul Meurice avec tes épreuves à corriger [2]. Plus une lettre de Mme Chenay qui te prie de lui accorder la permission de venir te voir, chose bien naturelle, et que tu seras heureux de lui accorder, certainement. Les autres lettres sont plus ou moins intéressantes et toutes demandent une réponse d’urgence. Je te fais souvenir en même temps que tu auras à déjeuner ce matin MM. Paul Méaulle et Barbou, Madame Gouzien et sa fille, l’institutrice et nous six, ce qui fera onze personnes à table et ce soir autant avec les trois Ménard, Georges Périn et Busnach. Toutes personnes charmantes et qui t’admirent et qui te vénèrent et t’adorent avec connaissance de cause. Quant à moi, je fais bande à part pour avoir le droit de t’aimer encore plus et encore mieux si c’est possible. Je te souris et je te bénis quand même, et quel que soit l’état de mon cœur et de mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 108
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin