Paris, 24 janvier 1880, samedi matin, 9 h.
Hélas ! mon pauvre bien-aimé, les nuits se suivent et ne se ressemblent pas. Nous en avons fait bientôt l’expérience avec cette nuit comparée à la précédente : la première presque tout à fait bonne ; la seconde presque tout à fait mauvaise. Et, ce que je craignais par-dessus tout, mon insomnie s’ajoutant à la tienne et l’augmentant encore. J’ai cependant fait tous mes efforts pour atténuer mes plaintes, mais je crains d’y avoir bien mal réussi. Cependant, il me semble que, malgré l’agitation de nos deux nuits, tu ne vas pas trop mal ce matin. J’espère que ce sera l’avis de tes deux docteurs [1]. Et j’espère, surtout, que nous dormirons mieux la nuit prochaine. Dès que tu pourras manger et te lever, je suis sûre que tes forces reviendront tout de suite. Mais il ne faut pas faire d’imprudence par trop de hâte ! C’est surtout quand il s’agit de rattraper la santé qu’il faut se hâter lentement [2]. Cher bien-aimé, je te souris et je te bénis, tu es la vie de mon corps, comme celle de mon âme. Je t’adore ! Sois bénis autant que Dieu lui-même.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 24
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin