19 novembre [1848], dimanche après-midi, 2 h. ½
Je pense à toi, mon doux noble bien-aimé, et je t’attends de toutes les forces et de tous les désirs de mon amour. Je voudrais que tu vinsses tout de suite car je t’ai tout préparé ; jusqu’à moi qui suis prête aussi et qui pourrai rester auprès de toi si tu viens tout à l’heure comme je l’espère et comme je le désire. Je pense que j’irai demain à Saint-Mandé. J’ai à cœur de faire cette visite à M. le curé. C’est un devoir de reconnaissance pour moi et dont je tiens à m’acquitter le plus tôt possible. Je suis sûre que tu penses comme moi. Demain donc, à moins de mauvais temps et de chose que je ne prévois pas, j’irai à Saint-Mandé. Mon Victor bien-aimé, je voudrais être où tu es pour te donner en caresses le trop-plein de mon cœur. J’ai beau en épancher sur mon papier le plus que je peux, sur tes chers petits portraits, sur la place que tu as occupée, sur ce que tu as regardé et touché je n’en suis pas appauvriea, au contraire. J’ai besoin de te voir, j’ai besoin de t’entendre, j’ai besoin de te baiser. Tout me manque loin de toi : le regard, la pensée et l’âme. Aussi, tous mes désirs et toutes mes aspirations tendent vers toi pour t’attirer et pour te retenir.
Juliette
Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/103
Transcription de Joëlle Roubine
a) « apauvrie ».