2 septembre [1848], samedi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon amour bien-aimé, bonjour. Dormez, c’est ce que vous avez de mieux à faire en mon absence. Du reste, il fait un froid de loup et il faut avoir les Burgos [1] chevillésa dans le ventre pour se lever dès potron-minette pour se livrer à cette manie de bric-à-brac. Mes pauvres doigts sont encore tout engourdis de la séance d’hier. Cependant, je vais les remettre à l’œuvre tout à l’heure, dès que j’aurai fini mon gribouillis. Je suis impatiente de finir mon MACHIN. Je veux que vous ayez un moment de rage et d’admiration dimanche en voyant le susdit Burgos, cron cron cron. Pour cela, rien ne me rebute ni ne m’arrête, ni les couches de crottes, ni les vers, ni les vieilles momies de souris desséchées derrière les tiroirs, ni les araignées séculaires. Je vais mon train sansb m’arrêter une minute à ces incidents du bric-à-brac. Je veux vous faire crever dans votre peau de représentant de regret et de jalousie. Je veux que l’aigle envie le cochon et qu’il se dise qu’il y a plusc de profit à déterrer des Burgos en faisant cron cron cron qu’à se cogner le nez contre le soleil et à écouter des discours de Pierre Leroux. Cela vous apprendra à m’humilier dans mon groin vilain grossier et à aller au Palais-Royal sans moi. Taisez-vous et dormez sur l’oreiller du remordsd, affreux scélérat.
Juliette
Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/61
Transcription de Joëlle Roubine
a) « cheviller ».
b) « s’en ».
c) « plu ».
d) « remord ».