16 juin [1848], vendredi matin
Bonjour, mon doux petit bien-aimé, bonjour, je t’aime. Je ne suis pas grognon, je t’aime. Je consens même à crier vive la République si tu veux me donner une culotte demain. Ma farouche antipathie ne va pas plus loin. Tu vois qu’il est facile de me corrompre et tu as bien mauvaise grâce à ne pas le faire. Essaye et tu verras avec quel enthousiasme je trahirai mon opinion : VIVE LA RÉPUBLIQUE ET SON AUGUSTE FAMILLE ! À BAS LES RÉACTIONNAIRES ! Tout ça pour la bagatelle d’une culotte, ça n’est pas cher. Je ne te demande plus à sortir puisque cela ne se peut pas. Aussi, je vais m’informer chez moi et travailler d’arrache-pied. Sortir seule ne fait que me rendre ton absence plus odieuse. J’aime mieux rester chez moi quoique en dise le médecin. D’ailleurs, j’ai un tas de choses à faire chez moi au moins pendant huit jours. Il est vrai que si tu voulais rester avec moi ou m’emmener avec toi, je ne m’inquiéterais guère de ce qu’il y a à faire. Ce n’est qu’en désespoir de bonheur que je m’agrippe à cela pour tâcher de m’occuper et de tuer le temps. Baise-moi, je t’aime, et sois-moi bien fidèle ou je te griffe.
Juliette
Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/24
Transcription de Joëlle Roubine