10 août [1849], vendredi matin, 10 h.
Je viens de voir ce brave Vilain, qui, d’après mes conseils, court comme un dératé sur les jambes d’un bidet de fiacre affreusement délabré. Il a déjà recueilli à la course trois signatures, dont celle de Vitet et il va de ce pas chez Thiers dans l’espoir d’avoir la sienne en sa qualité de représentant de la Seine Inférieure, puis il ira te voir. Voilà, mon cher petit homme, où en est ce pauvre sculpteur, pour qui le métier d’intrigant n’est rien moins que facile et agréable. Quant à moi, j’ai grand peur qu’il ne parvienne pas à ses fins, ce dont je serais très fâchée parce que je l’aime bien sincèrement et que je crois que cela peut être utile au bien-être et à l’avenir d’Eugénie. Du reste ce ne serait qu’un ajournement, espèce de consolation que son impatience ne goûte pas pour le moment. Quant à moi j’ai la conscience de t’avoir bien tourmenté pour cela et d’avoir faita tous mes efforts pour que la chose tourne à sa plus grande satisfaction. Maintenant, cher adoré, je voudrais bien encore te parler de ce pauvre Lelion et puis ce sera tout, je ne te demanderai plus rien d’ici à très longtemps [1]. Mais il serait temps, si nous voulons lui rendre l’ombre d’un service, de parler de sa machine. Je t’en supplie, mon bien-aimé, encore cela et je te laisserai tranquille, je te le jure. En attendant je voudraisb bien lire ton speech d’hier [2]. Tâche de me l’apporter tantôt. De mon côté je vais me dépêcher de m’habiller afin de ne pas te faire attendre. Et puis je t’aime et puis tu es mon pauvre acrobate adoré et éclopéc.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16367, f. 221-222
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
a) « fais ».
b) « voudrai ».
c) « écloppé ».