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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 novembre [1845], samedi, midi

Je veux prendre un bain dans une heure, mon petit Toto, c’est pour cela que je ne t’ai pas écrit ce matin parce que j’ai fait toutes mes petites affaires pour pouvoir être propre comme un sou tantôt. J’ose espérer que vous voudrez bien en agréer la dédicace.
Cher petit bien-aimé, mon petit homme chéri, mon amour, mon cœur se fond de bonheur quand je pense à toi et quand je te vois. Laisse-moi te le dire ici. Je te vois si peu que je n’ai pas le temps de m’épancher et il m’arrive souvent que le trop-plein de mon cœur le déborde et le noie. Si tu savais combien je t’aime, mon Victor ravissant, tu serais le plus heureux des hommes. Je baise tes pieds, je voudrais te manger. Mon ambition, mon rêve, le gros lot de ma vie serait de me dévouer pour toi et pour les tiens jusqu’à la mort. Tu en es bien sûr, n’est-ce pas mon adoré ? Si je pensais que tu ne le crois pas, je me tuerais tout de suite pour te le prouver. Je te dis des folies et pourtant c’est bien vrai, je ne vis que dans l’espoir de te servir un jour et donner ma vie pour toi. En attendant, je t’aime à deux genoux. Tu as oublié ta petite brosse hier et moi je n’ai pas pensé à te la faire emporter. Si tu veux, je t’en ferai acheter une. Il vaut mieux que tu l’aies toute neuve en somme. Si tu peux m’apporter tous tes caleçonsa, je te les ferai tous raccommoderb, ce qui ménagera d’autant le neuf. Ce soir Claire te marquera tes chaussettes. Il est inutile de le faire faire par Eulalie quand Claire et moi pouvons le faire. C’est bien assez de l’occuper à des choses que je ne sais pas faire. J’espère qu’en voilà des faire et des affaires pour peu de choses. Décidément je ne sais pas ASSEZ écrire et je devrais bien me taire plutôtc que de gribouiller de pareilles billevesées. Baise-moi et ne lis pas toutes ces sottises, ça vaudra bien mieux pour toi et pour moi. Baise-moi encore.
Mme Luthereau continue de me bouder. Je lui écrirai encore une fois d’ici à quelques jours et si elle persiste dans sa bouderie, je la laisserai. Après tout, je ne lui ai rien dit qui pût la blesser. Seulement j’ai usé de mon droit en refusant une folle proposition. Tant pis pour elle si elle se fâche. Je suis très décidée à ne lui écrire qu’une fois encore. Ce sera même beaucoup pour une chose dans laquelle je ne me reconnais aucun tort, quoi que tu en disesd. Maintenant baise-moi et aime-moi, je me fiche du reste et de bien autre chose. Je vous dis que vous êtes mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 133-134
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tes calçons ».
b) « racommoder ».
c) « plus tôt ».
d) « tu en dise ».

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