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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 août [1842], samedi après-midi, 4 h.

À tout événement, je me risque, mon bijou, à prendre du grand papier. J’ai décidément une antipathie prononcéea pour le petit, surtout quand je dois écrire tout d’une haleine un immense gribouillis. Si vous ne voulez pas que je m’en serve dans ces occasions SOLENNELLES, je n’en prendrai plus et je continuerai à vous écrire sur le petit papier. Je crois qu’il est temps que je sorte des petits papiers, car je ne suis rien moins que drôle dedans.
Vous savez, mon amour, que j’ai la bonhommie d’ajouter foi à vos promesses et que je compte sur vous ce soir pour le dindonneau et pour le dernier des marquis [1]. Dans cette conviction, je me dépêche à [illis.] toutes mes friperiesb et à mettre ma maison en ordre ; après, je songerai à me toiletter et j’aurai le choix entre la robe de foulard doublée et la robe de damas ou de Lyon également doubléec. Je vous assure, mon amour, que quel que soit VOTRE ESPRIT à ce sujet, vous ne me persuaderez jamais que je ne suis pas une femme ÉTOUFFÉE par la température plus que sénégalienne de ces trois pelures. Si vous avez autant d’humanité que de bonnes plaisanteries dans le fin fond de votre esprit, vous gratterez plusieurs tiroirs pour m’en avoir une pauvre petite de rien du tout avec laquelle je puisse revivre et respirer. Non, mon pauvre ange, toute chose cessant, je ne veux pas t’ennuyerd ni te fatiguer. Cette année est une année trop mauvaise pour nous tous, et pour toi en particulier, pour que je ne sois pas trop heureuse de te faire ce sacrifice. D’ailleurs, voici le commencement de ce que je redoutais tant qui arrive. Aujourd’hui, l’affreuse Ribot, demain les autres créanciers, tous plus affamés les uns que les autres et auxquelse il faudra jeter quelques riens de temps en temps si nous ne voulonsf pas les entendre hurler à notre porte. Voilà, mon pauvre adoré, ce qui devient de jour en jour plus menaçant et voilà ce à quoi nous devrons parer de tous nos moyens et de toutes nos forces. Trop heureux si nous parvenons à en sortir avec honneur. Je t’aime mon Victor. Je t’adore mon cher petit bien-aimé. N’oublie jamais cela même dans les moments où je suis si maussade et où tu me rudoies tant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 105-106
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « prononcé ».
b) « fripperies ».
c) Souligné deux fois.
d) « t’ennuier ».
e) « auquels ».
f) « voulions ».

Notes

[1À élucider.

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