Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Juillet > 13

13 juillet [1842], mercredi après-midi, 3 h. ¼

Vous ne revenez pas bien vite, mon cher petit manchot, il est probable que je ne sortirai pas encore aujourd’hui. Ça aurait pourtant bien harmonieusement complété ma matinée mais vous ne savez rien faire en entier. Vous êtes une bête et vous serez très prochainement un... vieux, ce dont je me réjouis fort, ne fût-cea que pour rabattre votre impertinente jeunesse et votre insolente beauté. Quant à moi, à quelque sauce qu’on me mette, je suis toujours la même vieille Juju hideuse. Je viens de me décoiffer avec furie tout à l’heure tant je me trouvais atroce. J’ai planté un bonnet sur ma tête au risque de me cuire ce qui me sert de cervelle. Je ne sais pas à quoi cela tient mais je n’ai pas encore trouvé une malheureuse coiffure qui veuille aller à mon affreuse tête. Pour peu que ça continue, j’aurai l’air de ces mannequins grotesques qu’on met dans les jardins pour effrayer les moineaux. Mais ce n’est pas l’important pour le quart d’heure. Je voudrais être encore plus laide, si c’est possible, et savoir comment va mon cher petit garçon et si vous m’aimez, non pas comme je vous aime parce que c’est impossible, mais comme vous m’aimiez il y a neuf ans. Enfin mon Toto, je serais la première à rire de ma hideur si vous veniez me chercher tout à l’heure pour sortir avec vous bras dessus bras dessous comme deux bons petits amoureux dont l’amour n’a pas diminué et ne finira qu’avec leur vie en supposant que l’âme meurt avec le corps. Je suis bien impatiente de savoir comment M. Louis a trouvé le petit garçon aujourd’hui [1]. Mon Dieu, quelle joie si tu pouvais m’apporter une bonne bonne nouvelle. Tâche de venir bien vite, mon Toto. J’ai hâte de savoir comment ce cher petit a passé la nuit et j’ai le plus grand besoin de te baiser tout de suite. Voilà un bien bon temps pour le pauvre petit malade, chaud sans être lourd, il me semble que cela va lui faire du bien et à toi aussi. Jour Toto, jour mon cher petit o. Est-ce que tu crois que le ciel peut pourrir ? Ici scélérat reviens et tu verras ce qui te pourrira sur le nez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 241-242
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».

Notes

[1François-Victor Hugo est convalescent.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne