Guernesey, 2 avril 1860, lundi matin, 9 h.
Bonjour, mon tout bien-aimé, bonjour, et toujours mon amour et toujours de la pluie, tel est l’état météorologique de mon cœur et du ciel. Comment as-tu passé la nuit, mon cher adoré ? Moi je n’ai pas retrouvé le sommeil qui me cherchait trop à la partie de loto et qui m’a fait la nique dès que je n’ai eu qu’à me donner à lui. C’est toujours ainsi et je ne m’en étonne pas.
Voilà encore votre tour de l’île tombé à l’eau aujourd’hui ; je crains bien que ce pauvre M. Busquet n’en soit pour sa patience et son désir non satisfait mais aussi quel temps !!! Les poissons rouges seuls ont le droit de ne pas s’en plaindre et encore peut-être sont-ils du même avis que nous sur la [vertu ?] et sur la pluie : pas trop n’en faut, l’excès en tout est un défaut. Quant à moi personnellement je me résigne assez courageusement car pour moi rien ne m’est très sensible en dehors du bonheur d’être avec toi. Ton regard c’est mon soleil ; ton absence c’est ma brume ; ton amour c’est le paradis. Mais je m’inquiète et je m’attriste pour toi, mon pauvre adoré, qui asa tant besoin de marcher, de voir, de respirer le grand air, de cette pluie persistante qui te prive de tout cela. Ô si on pouvait faire du ciel bleu avec son âme il y a longtemps que tu n’aurais rien à désirer.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 69
Transcription de Claire Villanueva