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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 juin 1845

8 juin [1845], dimanche matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher petit homme adoré, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Tu es venu cette nuit mais tu n’as pas voulu rester. Tu crains que je ne puisse pas me réveiller tout à fait, mais je t’assure que je le suis parfaitement dès que je t’entends tourner le bouton de la porte du salon. Seulement, j’aurais besoin que tu t’asseyes sur mon lit et que tu me parles pour retrouver moi-même la parole qu’un commencement de sommeil engourdit toujours un peu. Je regrette plus que je ne peux te le dire les quelques minutes que tu pourrais me donner la nuit et que je perds par la faute de cette stupide somnolence qui s’empare de moi dès que minuit est sonnéa. Je voudrais trouver un moyen de l’empêcher. Jusqu’à présent je n’y ai pas réussi. Le meilleur moyen serait que tu vinssesb avant minuit et que tu restassesc jusqu’au lendemain matin. Je te promets que, loin de m’endormir, je serais trop éveillée et tu serais obligé d’éteindre la lampe sans ma permission. Hélas ! ils sont passés ces jours, et ces nuits, de fêtes. Dieu sait s’ils reviendront jamais. Ce ne sera pas faute de les désirer – et de les regretter, du moins de mon côté.
Je me suis promenée hier au soir dans mon jardin avec Claire jusqu’au moment de l’orage. Cela m’a fait du bien. Il faudra que j’en prenne l’habitude même toute seule. Je n’ai pas d’autre moyen de suppléerd à l’exercice et aux sorties que tu ne peux pas me donner. Ce ne sera pas très amusant, mais ce sera hygiénique.
Je vous aime Toto. Je vous baise Toto. Je vous adore Toto. Je vous attends Toto. Je vous désire Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 273-274
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « minuit sont sonnés ».
b) « tu vinsse ».
c) « tu restasse ».
d) « supléer ».


8 juin [1845], dimanche après-midi, 2 h. ½

Je t’ai déjà vu, mon adoré. Déjà, cela veut dire que j’ai déjà absorbé la pauvre petite part de bonheur que tu me donnes pour toute une mortelle journée d’attente et de désir. Si tu savais quelle joie tu apportes avec toi dans toute ma maison. Tu y reviendrais sans cesse rien que pour voir l’effet de ta ravissante petite personne sur tout mon personnel en général, et sur mon pauvre cœur en particulier.
J’espère que vous avez de beaux mouchoirs. Mâtin, vous êtes ri, vous avez des beaux moussois. Moi, je n’ai rien. Ça n’est pas bon pour moi les beaux chiffres variés. C’est bien assez d’un pauvre petit [dessina] à mollet avec une couronne de Proserpine [1]. Voilà tout ce que votre fertile imagination sait créer dès qu’il s’agit de moi. Voime, voime, fort gracieux en vérité. Que je vous voie ne pas m’en faire autant comme à vous et vous verrez ce que je vous ferai. En attendant, Mlle Féau, qui m’adore, m’a apporté une petite saucière en faïence qui n’est pas trop laide. Si cela vous humilie, tant mieux. Si elle vous fait envie, je suis prête à vous la donner pour votre armoire en y ajoutant, ô sacrifice énorme, les deux admirables vases de ma portière. Sur ce, baisez-moi et n’attendez pas à une heure du matin pour le faire. Je suis très pressée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 275-276
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Juliette a dessiné ici le motif imaginé par Victor Hugo, qui a été brodé sur ses mouchoirs. Sont-ce les initiales de Juliette Drouet que nous devinons ?

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1Juliette fait référence au chiffre que Victor Hugo souhaite faire broder sur ses mouchoirs dont elle fait un croquis.

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